Rupture des relations commerciales établies : plafonnement du délais de préavis

Contrats de l'entreprise
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Etablies entre deux partenaires depuis une certaine période, seules sont visées par l’article L.442-1 II du Code de commerce, les relations commerciales établies. En d’autres termes, il s’agit des relations commerciales véritables, par opposition aux relations commerciales précaires pour lesquelles les commandes sont passées irrégulièrement dans le temps ou qui résultent d’appels d’offres systématiques.

Au terme de la loi, une telle relation ne peut être rompue brutalement, même partiellement, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de ladite relation. A défaut, l’auteur de la rupture peut voir sa responsabilité engagée en cas de préjudice causé au cocontractant. Précisons que ce n’est pas la rupture des relations commerciales établies qui est sanctionnée ici, chacun étant libre de se désengager, mais bien la rupture brutale de ces dernières (CA Paris, 7 juin 2017, n°14/17158 ; CA Paris, 23 mars 2017, n° 15/19284).

Appréciation du délai de préavis

Face aux nombreuses questions quant à la durée du préavis, la jurisprudence a précisé les divers éléments à prendre en compte pour évaluer ladite durée (CA Paris, 13 septembre 2017, n°14/23934) :

  • Ancienneté des relations
  • Volume d’affaires réalisé
  • Secteur d’affaires concerné
  • Etat de dépendance économique du partenaire victime de la rupture
  • Dépenses non récupérables engagées par la victime de la rupture
  • Temps nécessaire pour retrouver un partenaire

De manière générale, les juges tendent à fixer la durée du préavis à un mois par année de relation, bien que celle-ci varie considérablement en fonction des situations ou des usages pour une même ancienneté. Par exemple, il a été fixé un préavis de deux ans pour une relation commerciale de soixante-trois ans (CA Paris, 8 juin 2016, n°13/21346) et de quarante et un ans (Cass.com, 11 mai 2017 - n°16-13.464).

Au regard de ce constat, le législateur a voulu encadrer le délai de préavis pour assurer davantage de sécurité juridique aux cocontractants.

Plafonnement du délai de préavis

Désormais, le nouvel article L.442-1 II du Code de commerce, issu de l’ordonnance du 24 avril 2019, instaure un plafond de la durée de préavis à respecter en cas de rupture des relations commerciales établies : « En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois ».

En d’autres termes, peu importe que la relation commerciale ait durée dix ans ou trente ans, dès lors que le délai de préavis est fixé à dix-huit mois il ne peut pas être considéré comme insuffisant, et partant, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut pas être engagée. Le législateur considère en effet que n’importe quel partenaire peut s’organiser dans un maximum de dix-huit mois pour palier la fin d’une relation commerciale.

Pour autant, une durée inférieure à dix-huit peut être justifiée au regard de la situation et notamment de la durée des relations commerciales. De même, cette nouvelle règle ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis d’une des parties « en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure » (article L.442-1 II alinéa 3 du Code de commerce).

Précisions également que cette nouvelle règle est d’application immédiate pour tous les contrats et avenants conclus à partir du 24 avril 2019 (même si l’avenant se réfère à un contrat conclu antérieurement). En revanche, l’ordonnance se s’appliquera qu’à partir du 1er mars 2020 pour les contrats pluriannuels en cours d’exécution.

Il convient donc d’être vigilant lorsqu’on souhaite se séparer d’un partenaire établi et d’anticiper cette rupture, afin d’éviter d’être tenu à réparation éventuelle du préjudice causé au cocontractant. Le cabinet LECLERE & LOUVIER est à votre disposition pour vous accompagner dans la rédaction et la rupture de vos contrats commerciaux.

Article rédigé par Justine PAJOT, étudiante en Master 1 Droit de la propriété intellectuelle, sous la supervision de J. Louvier