Le « non-professionnel » kesako?

Contrats de l'entreprise

Le « non-professionnel » kesako?

Le nouveau Code de la consommation nous en dit plus

 Le « non-professionnel »: voilà un terme juridique qui paraît se concevoir aussi clairement qu’il s’énonce ! Et pourtant, si la notion paraît plutôt claire à priori, le nouveau Code de la consommation ne s’est pas fait prier pour venir éclaircir cette notion. La raison? De cette simplicité apparente, découlent d’importants enjeux juridiques. Explications.

La nouvelle définition du non-professionnel

 Le non-professionnel, doit être compris comme une personne qui n’est pas un professionnel. Facile ! Pour autant, le non-professionnel ne doit pas s’entendre au sens de consommateur. Et c’est de là que la notion se complique. En effet, si la loi Hamon du 17 mars 2014 avait pris le soin de définir le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale », la notion de non-professionnel n’avait pour sa part, pas été définie par le législateur. Une carence à laquelle est venue mettre un terme la refonte du Code de la consommation, opérée par la loi du 1er juillet 2016. C’est ainsi que le non-professionnel s’est vu définir par le nouvel article liminaire comme « toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

 Il faut noter que cette nouvelle définition légale se distingue d’une jurisprudence constante[1] aux termes de laquelle le non-professionnel devait s’entendre comme toute personne physique ou morale n’agissant pas en lien direct avec son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. C’est ainsi par exemple, qu’avant l’entrée en vigueur du nouveau Code de la consommation, une personne exploitant un salon de coiffure pouvait être considérée comme non-professionnel si elle contractait avec une entreprise de télésurveillance[2].

 Mais désormais, d’une part, ce n’est plus le critère du rapport direct -avec l’activité- mais celui du cadre -de l’activité- qui importe. Néanmoins, il n’est pas certain que cela change beaucoup de choses dans les faits, la jurisprudence s’étant toujours montrée assez méfiante dans l’octroi de la qualité de non-professionnel à une personne, physique ou morale. Il faudra pour cela, rester dans l’attente des décisions à venir. D’autre part, le nouveau Code de la consommation exclut les personnes physiques de la nouvelle définition du non-professionnel.

Tableau récapitulatif

  Personne  physique Personne morale
Agissant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole Professionnel Professionnel
Agissant hors du cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole Consommateur Non-professionnel
Sans activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole Consommateur ??? **

 

 La question relative à la personne morale sans activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (association, syndicat, comité d’entreprise…) reste toutefois en suspens : peut-elle bénéficier du statut de non-professionnel ? Ce sera à la jurisprudence d’éclaircir ce point.

Quelles dispositions protectrices pour le non-professionnel?

 Une fois le non-professionnel identifié, celui-ci va pouvoir bénéficier d’une partie des dispositions protectrices du consommateur.

 Tout d’abord, il pourra bénéficier des dispositions de l’article L.212-1 du nouveau code de la consommation sur les clauses abusives. En effet, selon l’article L.212-2  « les dispositions de l’article L.212-1 sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ». On en conclut que la clause rédigée par un professionnel à l’encontre d’un non-professionnel et qui sera jugée abusive sera nulle, au même titre que la clause abusive prise à l’encontre d’un consommateur.

 Pour ce qui est de l’obligation d’information, l’article L.215-1 du nouveau Code précise que « pour les contrats de prestations de services conclus pour une durée déterminée avec une clause de reconduction tacite, le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, (…), de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite ». C’est la fameuse « loi Châtel », bien connue des prestataires de services en B to C dans le domaine des telecom, de l’assurance, etc. L’article L.215-3 du même Code précise que cette disposition s’applique également au non-professionnel. Ainsi, le professionnel devra impérativement informer le non-professionnel de cette possibilité en respectant un certain formalisme, sans quoi le non-professionnel, au même titre que le consommateur, sera en droit de « mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction ».

 Désormais, tout prestataire devra s’interroger sur la qualification de son cocontractant, même et surtout s’il s’agit d’une personne morale, afin de déterminer si le contrat de prestations entre dans le champ de son activité, ou si elle doit être considéré comme un consommateur ou un non-professionnel.

 Dans ce dernier cas, il faudra adapter les contrats en cause, ou les CGV, afin qu’elles soient conformes aux nouvelles prescriptions du Code de la Consommation.

 Article rédigé par Lorraine Loynet, stagiaire Master 2 Propriété Industrielle

[1] (Cass. 1e civ. 24-1-1995 n° 92-18.227 : Bull. civ. I n° 54 ; Cass. 1eciv. 25-11-2015 n° 14-20.760 : RJDA 2/16 n° 107)

[2] CA Amiens 6-4-2006 n° 05-92 : RJDA 1/07 n° 104